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Je sais tout moi d’abord ! Un réel paradoxe…
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Je sais tout moi d’abord ! Un réel paradoxe…

Le 09/09/2019

© GETTY IMAGES
« Le vrai pouvoir, c’est la connaissance. » Cette citation du philosophe Francis Bacon est l’une des maximes préférées des dirigeants. Pourtant, ce que vous « savez » peut en fait constituer un obstacle. Et si ce que vous « savez » vous entravait au lieu de vous aider ? C’est le paradoxe du « je sais tout ». Découvrez sans tarder ce brillant article sur l’illusion de la connaissance. Et si vous voulez travailler sur l’alignement de valeurs, c’est #maintenantDemain c’est par ici ! https://www.maintenantdemain.com/a-propos/

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Le voile de l’omnipotence perceptuelle

Pour avancer efficacement dans la vie, il est fondamental de le faire comme si vous « saviez » ce qui se passe autour de vous. Si vous doutiez sérieusement de votre connaissance du monde, vous ne quitteriez jamais la maison. Nous appelons l’ensemble de ces connaissances « l’omnipotence perceptuelle », le sentiment d’être pleinement conscients de notre position dans un contexte ou une situation donnée.

Nous remettons rarement en cause notre sens de l’omnipotence perceptuelle, sauf, bien sûr, lorsque nous nous trompons. Demandez à quelqu’un ce que cela fait de se tromper. Celui-ci évoquera « la colère », « la gêne » ou encore « la honte » (lire aussi la chronique : « Quand la honte devient source de créativité »). Mais, en réalité, ces sentiments n’existent qu’une fois que nous découvrons que nous sommes dans l’erreur. Avant de le découvrir, avoir tort, c’est avoir raison.

L’embarras est généralement lié au fait que, quelques instants seulement avant cette découverte, nous défendions vigoureusement ce que nous « savions » être vrai. Cela a des conséquences sur notre capacité à persuader et à diriger. Celui qui nous interroge peut avoir le sentiment de nous affronter, de remettre en question notre identité et notre crédibilité. Et, pour défendre ce que « savons », nous sommes souvent prêts à sacrifier certaines relations.

Cette tendance est évidemment à l’origine de nombreux dysfonctionnements organisationnels. L’omnipotence perceptuelle nous aveugle, cache les réalités de l’entreprise et nous empêche de repérer certaines opportunités.

L’illusion de la connaissance

La science qui décrit la réalité est très différente de celle qui explique nos perceptions. Finalement, l’omnipotence perceptuelle n’est qu’un tour que nous jouent nos cerveaux. Le monde est trop grand et notre cerveau trop petit pour saisir avec précision la réalité. Par exemple, pour lire cet article, vous devez bouger vos yeux de mot en mot, ligne après ligne, car vous ne pouvez pas appréhender la totalité du document d’un seul coup d’œil. Ce qui est en dehors de votre champ de vision est en dehors de votre réalité.

La science a montré que la mémoire ne peut contenir qu’un nombre limité d’informations et que le cerveau ne peut traiter que sept informations à la fois. Pourtant, les situations professionnelles présentent un nombre presque illimité d’informations, ce qui conduit les psychologues à appeler ce sens de l’omnipotence perceptuelle, « l’illusion de la connaissance ».

Dans le cadre d’un programme de formation destiné aux dirigeants, nous proposons aux participants d’écouter l’enregistrement « Laurel versus Yanni », qui a marqué les esprits sur Internet au printemps 2018. Les dirigeants, eux aussi, se séparent inévitablement en deux camps : ceux qui entendent « Yanni » et ceux qui entendent « Laurel ». Ils écoutent les mêmes données objectives, mais vivent des expériences extrêmement différentes. Après discussion, les participants s’aperçoivent que coexistent deux monde : un monde « Laurel » et un monde « Yanni ». Même information, différents royaumes perceptuels.

Il s’agit pourtant d’un enregistrement très simple. Si cela peut créer deux réalités de perception distinctes, qu’en est-il des défis organisationnels complexes comme (fusion, lancement d’un nouveau produit, entrée sur un marché étranger, choix d’un nouveau P-DG) ? Combien de mondes existe-t-il pour résoudre les problèmes de votre entreprise ?

L’« umwelt », un monde propre à chacun

Le biologiste allemand Jakob von Uexküll a suggéré que chaque espèce habite un monde perceptuel unique, un « umwelt », qui peut être traduit par « environnement sensoriel » ou « monde propre ». En ce sens, les espèces partagent le même environnement physique mais elles « expérimentent » des mondes uniques qui sont étrangers à nos sens.

Les abeilles, capables de percevoir les rayons ultraviolets, sont guidés jusqu’aux organes floraux par des sortes de repères lumineux. Les éléphants entendent et émettent, grâce à leur larynx, des fréquences infrasoniques et peuvent communiquer à l’aide de ces messages vibratoires sur plusieurs kilomètres. L’écholocalisation permet aux dauphins d’appréhender leur environnement et de repérer leurs proies.

Avec l’expérience « Laurel versus Yanni », on peut conclure que le concept d’umwelt concerne aussi les êtres humains : même si nous partageons la même réalité objective, il existe différents umwelts qui correspondent à nos perceptions et à nos reflexes individuels. Alors comment améliorer notre capacité de compréhension mutuelle ?

L’humilité perceptuelle radicale

La première étape pour lever le voile consiste à comprendre nos réelles limites de perception. Cependant, notre « savoir » peut entraver ce premier pas. La plupart des gens « savent déjà » qu’ils peuvent passer à côté de choses importantes. Des programmes télévisés tels que Brain Games décrivent par exemple les limites de nos cerveaux. Nous « savons » que ses limites existent, mais lorsque nous « savons » quelque chose, cela signifie aussi que nous pouvons l’ignorer.

Afin de prendre ce problème à bras le corps, il est possible d’adopter une attitude d’humilité perceptuelle radicale. Assumez humblement, dès le départ, qu’il vous manquera quelque chose d’important dans chaque prise de position. Ensuite, soyez curieux de savoir ce que cela pourrait être. Faire preuve d’humilité perceptuelle radicale exige de reconnaître ses limites. Et celles-ci peuvent nous faire peur. Nous sommes vulnérables lorsque nous sentons que nous ne savons pas vraiment ce qui se passe. Mais ce « non-savoir » peut être une force : les bouddhistes zen appellent cela le « Shoshin », l’esprit du débutant.

Cultiver cette attitude est un début, mais comment gérer nos limites de perception dans des situations de leadership où les enjeux semblent élevés ?  L’approche créative utilisée par certains participants de nos programmes de formation continue repose sur la parabole des « Six aveugles et l’éléphant ». Cette ancienne histoire indienne décrit un groupe de sages aveugles inspectant un éléphant. Chacun tâtant une partie différente de l’éléphant, ils déclarent, confiants, qu’ils « savent » ce qu’est un éléphant. Le sage qui touche la jambe proclame qu’un éléphant est un tronc d’arbre. Celui qui sent la queue décrète qu’il s’agit d’une corde. L’oreille, un tapis…

Et si vous utilisiez cette parabole pour votre prochaine réunion ? L’un de nos élèves témoigne : « Je l’utilise avant d’aller à une réunion. Je constate que, autour de la table, nous cherchons tous la vérité de nos points de vue individuels. Cela me permet d’avoir un aperçu de la situation et d’être plus ouvert à d’autres points de vue. »

La compassion perceptuelle radicale

La deuxième étape consiste à devenir conscient des effets de l’omnipotence perceptuelle sur les autres et à l’accepter. Comme l’a dit Nelson Mandela, « notre compassion humaine nous lie les uns aux autres – non pas par pitié ni avec condescendance, mais en tant qu’êtres humains qui ont appris à transformer nos souffrances communes en espoir pour l’avenir. » Une grande partie de notre « souffrance commune » vient de notre incapacité à reconnaître nos limites de perception. Lorsque nous commençons à voir l’impact de l’illusion de la connaissance sur nous-mêmes et sur les autres, la compassion pour la condition humaine est inévitable.

En regardant les autres à travers le prisme de la compassion perceptuelle radicale, nous interprétons différemment leurs motivations. Nous comprenons que leurs comportements ne sont pas nécessairement malveillants, mais plutôt un artefact de leur perspective partielle.

Comme l’explique le philosophe Ken Wilber, « personne n’est assez intelligent pour se tromper tout le temps. » En cultivant activement votre capacité à accorder avec compassion le bénéfice du doute à vos collègues, vous pourrez améliorer vos relations et augmenter les possibilités de collaborations productives.

Les dirigeants peuvent développer la compassion perceptuelle en faisant appel à la curiosité. Renseignez-vous plus en profondeur à propos des points de vue présents autour de la table de réunion. Posez-vous des questions : « Quelle opinion n’est pas représentée ? Que nous dirait son défenseur s’il était présent ? » Ce faisant, vous contribuez à matérialiser l’éléphant dans la pièce.

L’humilité et la compassion de perception radicales ne sont pas des vérités. Ce sont des perspectives que nous pouvons adopter afin d’éviter l’illusion de l’omnipotence perceptuelle. Pourquoi les cultiver ? Parce qu’une fois que nous changeons de perspective, un tout nouveau « umwelt » s’ouvre à nous.

Gregory Unruh

Professeur de leadership des valeurs, titulaire de la chaire Arison à la George Mason University (Washington, DC). Ses travaux de recherche concernent la création de stratégies de développement durable et leur impact sur la performance des entreprises. Partenaire stratégique du United Nations Global Compact (UNGC), il a également été expert […]

Fernanda Arreola

Fernanda Arreola est consultante, entrepreneure et enseignante-chercheuse à l’EMLV. Ses activités de recherche se focalisent sur l’accompagnement entrepreneurial, ainsi que des phénomènes liés à la gouvernance d’entreprise. Elle est également responsable du Business Group au sein du De Vinci Research Center. Suivez-la sur Twitter : @FArreolaC.

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